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Mort de Papy Fat : le « pacte secret » des accusés


PAPEETE, le 4 juin 2018 - Presque dix ans après la disparition de Chong Sing Thong Fat, le procès de sa mort s’est ouvert ce lundi matin devant la Cour d’assises de Papeete. Lors de leurs premières déclarations, les quatre accusés se sont adressés à la famille de la victime en présentant leurs excuses. Les jurés auront 4 jours pour se pencher sur la trentaine de versions différentes données par les mis en cause dont deux étaient mineurs au moment des faits.

Le 21 juillet 2008, en début de soirée, la fille de Chong Sing Thong Fat, dit « Papy Fat », se présentait à la gendarmerie pour signaler la disparition inquiétante de son père. Déposé en ville le matin même pour acheter un meuble, le vieil homme de 82 ans, qui était en possession de 40 000 Francs, n’avait pas regagné son domicile. Les témoignages recueillis à l’époque avaient permis d’établir que Papy Fat s’était trompé de bus et avait finalement décidé de rejoindre son quartier en passant par la montagne. Sa famille indiquait alors que le vieil homme empruntait parfois ce chemin.

Témoin anonyme

Malgré plusieurs années d’investigations, l’enquête avait été clôturée le 28 juin 2012. Peut-être que l’on n’aurait jamais retrouvé le corps de la victime si un témoin anonyme ne s’était pas présenté à la Section de recherches (SR) un an plus tard pour dénoncer les propos d’un individu selon lesquels Papy Fat était mort, enterré dans un trou sur un versant de la montagne.

Le 21 mai 2013, ledit individu, Johnson P, mène les enquêteurs sur le lieu où se trouve le corps. Des ossements humains sont découverts dans un trou d’environ 70 centimètres. Johnson P, son frère et deux autres individus sont rapidement mis en cause. Auditionnés, les quatre hommes révèlent que le jour des faits, ils ont vu Papy Fat monter dans la montagne et ont voulu l’en dissuader. Comme le vieil homme résistait, ils lui ont porté des coups. Après lui avoir dérobé son argent, ils auraient laissé Papy Fat seul dans la nature alors que la nuit tombait. Selon leurs déclarations, ils seraient revenus le lendemain et auraient retrouvé le corps inanimé du vieil homme. De peur d’être accusés d’un fait qu’ils n’avaient pas commis, les accusés auraient alors enterré le corps, l’un d’entre eux aurait sauté sur la dépouille. Ils auraient ensuite fait un « pacte secret », s’engageant mutuellement à garder le silence.

Pour déterminer les causes de la mort, plusieurs experts sont sollicités. Bien que le corps soit resté enterré plusieurs années dans la montagne, ils indiquent que le décès a eu lieu entre 4 et 5 heures du matin. S’il est impossible de déterminer le caractère ante, peri ou post mortem des blessures, les spécialistes affirment que « le lien de causalité » entre le vol avec violences et la mort est « certain. » Papy Fat serait décédé suite à un « épuisement » ou à un « stress intense. »

Honte et regrets

Le squelette a été retrouvé en montagne, dans la forêt au-dessus du stade de l'AS Dragon à Titioro, sur l'indication des suspects.
Le squelette a été retrouvé en montagne, dans la forêt au-dessus du stade de l'AS Dragon à Titioro, sur l'indication des suspects.
Placés sous contrôle judiciaire, les quatre accusés ont comparu libres ce matin pour la première journée de leur procès. Ils sont poursuivis pour « vol ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner. »  Appelés à s’exprimer à la barre de la cour d’assises, ils se sont directement adressés à la famille de la victime. Nick M, l’un des accusés, n’a pu contenir ses larmes : « je voudrais juste présenter mes excuses à la famille. J’ai honte de ce que j’ai fait, mes parents ne m’ont pas appris à voler. Je ne voulais pas sauter sur la dépouille mais j’ai paniqué. » Tous ont maintenu la version selon laquelle ils avaient violenté le vieil homme pour le faire redescendre de la montagne. L’enquête avait laissé apparaître qu’au tout début de l’affaire, lorsque les jeunes avaient vu Papy Fat monter, ils avaient prévenu un jardinier travaillant en contrebas. Ce dernier n’avait pas prêté attention à ces propos.

Un garçon « serviable et travailleur »

En fin de matinée, la Cour d’assises s’est penchée sur la personnalité des accusés qui étaient très jeunes à l’époque des faits. Aucun n’était inscrit dans un profond parcours de délinquance. A l’image de l’un d’entre eux, dont un membre du RSMA dira qu’il a été l’un de ses « meilleurs éléments », « un jeune homme sérieux, discipliné et pas violent. » Un autre sera décrit par ses parents comme un « garçon serviable et travailleur ». Hormis du paka, des phases d’école buissonnière pour « aller à la plage avec les copains » et de petits vols, aucun ne présentait un profil pouvant laisser à penser qu’il serait un jour jugé devant la Cour d’assises. En ce premier jour de procès, les proches des accusés n’ont visiblement pas souhaité assister à l’audience.

Entendus par la Cour d’assises, les enquêteurs ont expliqué qu’il avait tout mis en œuvre pour retrouver Papy Fat lorsque ce dernier a disparu, pratiquant quasiment du « porte à porte » pour obtenir des informations. L’un d’entre eux a évoqué son intuition selon laquelle les accusés étaient « sincères dans le début de leurs actions » mais qu’ils avaient dérapé «à cause de l’argent » et peut-être aussi en raison de la plantation de paka qu’il se trouvait sur le chemin emprunté par le vieil homme. Le procureur de la République a tenu à rappeler que le témoin anonyme, relatant les propos d’un autre témoin, avait évoqué une victime « jetée dans un trou » alors qu’elle était peut-être « encore vivante. » Les investigations n’auront pas permis de faire la lumière su ce point crucial.

Le procès s’achèvera ce jeudi. Les quatre accusés encourent la réclusion criminelle à perpétuité.


Rédigé par Garance Colbert le Lundi 4 Juin 2018 à 16:41 | Lu 9000 fois